Les routes françaises sont-elles mal entretenues ?
L’état des routes en France se dégrade dangereusement : 30 % des accidents mortels sont liés à des chaussées détériorées. Face à ce constat très préoccupant, plusieurs associations d’automobilistes tirent la sonnette d’alarme. Pour l’Union routière de France (URF), il est impératif d’augmenter les investissements dans l’entretien et la modernisation du réseau routier français.
Un réseau routier en mauvais état, criblé par exemple de nids-de-poule et imperfections, représente un danger majeur pour les automobilistes. Outre les risques accrus d’ accidents, une route dégradée est d’autre part moins facile à pratiquer, ce qui peut augmenter la fatigue et le stress des conducteurs, sans parler évidemment de l’impact sur leur consommation de carburant.
30 % des accidents mortels
Thierry Archambault regrette le sous-investissement de l’État pour rendre la route plus propre et donc plus sûre. Le président de l’Union routière de France (URF) rappelle ainsi qu’en 2022, 57 % des dépenses en infrastructures de transport ont été consacrées au rail, contre seulement 15 % pour les routes.
Les aléas climatiques qui ont touché le pays ces dernières années ont mis à rude épreuve le réseau routier français, comme l’explique « Le Figaro » dans une enquête parue début avril. Un enjeu de sécurité majeur pour les usagers et un gouffre financier pour les collectivités.
Les pluies intenses, suivies du gel, ont fait éclater le bitume et les travaux de réparation deviennent d’autant plus compliqués. “Monter une opération de réparation lourde prend environ un mois pour programmer une fermeture, pour avoir les entreprises capables d’intervenir”, explique Thomas Walliser, chef de gestion et d’exploitation du service public des autoroutes et routes nationales en Île-de-France (DIRIF). Dans l’Hexagone, l’état de la voirie joue un rôle dans 30 % des accidents mortels, mais il est l’unique cause dans 1 % des cas seulement. Selon le rapport de l’Observatoire national de la sécurité routière, paru en 2017, la vitesse, l’alcool et le non-respect des priorités sont les trois premières causes d’accident mortel. « Toutefois, l’état de l’infrastructure peut être un facteur déclenchant ou aggravant. Et plus les routes seront dégradées, plus il pourrait peser », observe Georges Tempez, directeur du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) qui a mis en place un observatoire afin de mieux comprendre l’impact des aléas climatiques sur le réseau routier.
« UN ÉLÉMENT STRUCTURANT ET ESSENTIEL DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE »
Depuis de nombreuses décennies, l’Union routière de France occupe une position essentielle en tant qu’acteur majeur dans l’observation, la promotion et la défense de la mobilité routière en France. À travers ses missions diverses, l’URF agit comme un interlocuteur des pouvoirs publics, défendant les intérêts de la mobilité routière. L’Union représente tous les métiers transverses de la route, avec 23 adhérents de poids tels que Vinci, l’Association des Sociétés Françaises d’Autoroutes (ASFA), l’association professionnelle des constructeurs français d’automobiles (CCFA), Michelin, TotalEnergies, Renault Trucks, la Prévention routière, l’Avere, 40 millions d’automobilistes, ACF (Automobile Club de France), France Assureurs, entre autres.
Alors que la route est souvent sujet de critiques concernant ses impacts négatifs sur l’environnement, « elle aura toujours une place importante dans les mobilités », rappelle assez logiquement Thierry Archambault. Et les chiffres ne peuvent pas le contredire: avec ses 1,1 million de kilomètres de réseau, la France déploie un des plus longs réseau routier d’Europe. En France la route représente 80 % des kilomètres parcourus par les voyageurs et 88 % du transport de marchandises. De fait, elle est responsable de 28 % des émissions de gaz à effet de serre, plus que l’industrie (26 %) et l’agriculture (19 %).
Et si l’Europe souhaite réduire de 55 % les émissions de CO2 d’ici à 2030, Thierry Archambault regrette le sous-investissement de l’État pour rendre la route plus propre, « alors qu’elle est un élément structurant et essentiel de la transition écologique », explique-t-il encore. Il pointe au passage les 125 milliards d’euros dépensés en 20 ans dans les transports publics sans pour autant détourner les Français de l’automobile, avec un recul de seulement 3 % de l’usage de la voiture en deux décennies…
La voiture, moyen de déplacement le moins coûteux pour notre société
L’Union européenne (UE), comme on le suppose, accorde une grande importance à la sécurité routière et à l’entretien des routes du continent. Des programmes et des initiatives sont mis en place pour améliorer les infrastructures routières et garantir des normes de sécurité élevées sur l’ensemble du réseau. Dans de nombreux pays de l’Union, les routes principales et les autoroutes sont plutôt bien entretenues et offrent des conditions de conduite généralement sûres et confortables. Cependant, dans certaines régions, en particulier dans les zones rurales ou moins fréquentées, les routes peuvent présenter des trous, des fissures et autres dégradations durant de trop longues périodes et c’est ce facteur temps ajouté à des ressources inégales qui rend un entretien homogène si complexe à réaliser.
Côté sécurité routière, la tendance à la réduction du nombre de tués est la règle dans tous les États de l’UE, ceci malgré l’augmentation du parc de véhicules. En quinze ans, le nombre de tués a été divisé par 2 alors que le parc était multiplié par 1,25. Or la voiture reste encore, pour la société, le moyen de déplacement le moins coûteux, à 26 centimes du kilomètre/passager ; seul le car est moins cher, à 15 centimes. Le sous-investissement est selon l’URF d’autant plus regrettable que la route génère chaque année près de 48 milliards de recettes fiscales.
« On ne peut pas remplir les objectifs de la neutralité carbone en faisant l’impasse sur le rôle de la route. Il faut raisonner en termes d’usage, en considérant que chaque moyen de transport, sans les opposer, a sa place en fonction des distances à parcourir et du nombre de personnes à déplacer », estime Thierry Archambault qui affirme que cette décarbonation passe, entre autres, par le développement du report modal.
Il est nécessaire, ajoute-t-il, de savoir massifier les flux – en particulier en zone périurbaine, là où le trafic est le plus polluant – développer les infrastructures multimodales et organiser l’électrification de la route. Bref, il s’agit de rendre les choses plus efficientes, savoir conjuguer les modes de transports routiers et ferrés en bonne intelligence, avec équité. « Il faut développer des alternatives au transport carboné avant de déployer des interdictions et des contraintes, indispensables pour assurer l’acceptabilité sociale en fondant la transition écologique sur des mesures comprises et durables », conclut Thierry Archambault.
« Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible », écrivait Saint Exupéry dans “Le Petit Prince”.
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