La France en retard pour l’accessibilité des transports en commun
La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, a posé le principe fondateur du droit de tous à accéder à l’ensemble des infrastructures et des services de transport publics. Pourtant, ce défi de l’accessibilité n’a été que trop partiellement atteint. L’ONU, en septembre 2021, a même invité la France à se mettre en conformité avec la Convention internationale des droits des personnes handicapées. Panorama.
Accessibilité : un texte qui n'est pas respecté
12 millions de Français – soit 17 % de la population – sont atteints par un handicap, que celui-ci soit moteur, sensoriel, cognitif ou mental, tel que reconnu par la loi « handicap » du 11 février 2005. Or, comme l’indique lemonde.fr, le texte qui garantit le principe d’accessibilité pour tous n’est toujours pas respecté. La déléguée ministérielle à l’accessibilité, Carole Guechi, le reconnaît : « L’accessibilité n’est toujours pas une politique prioritaire pour les collectivités ».
Et pourtant les mesures de la Loi d’Orientation des Mobilité (LOM) du 24 décembre 2019 sont principalement axées sur les facilités d’usage de cette accessibilité pour les réseaux de bus, cars et trains: tarifs spéciaux pour les accompagnateurs, collecte des données d’accessibilité des transports et de la voirie pour informer les voyageurs.
D’après Nicolas Mérille, le conseiller national d’APF France handicap, les villes notamment n’ont pas fait assez : « 77 % des communes n’ont toujours pas établi de registre public d’accessibilité ». Conclusion : les agendas d’accessibilité programmée (Ad’Ap) qui arrivent à terme entre 2024 et 2025 n’ont pas fondamentalement apporté les résultats escomptés en faveur des personnes en situation de handicap. Pourquoi ?
S’intéresser de manière pragmatique aux usages
L’un des principaux freins constatés a été le faible pilotage par les autorités organisatrices des transports (AOT) des schémas directeurs d’accessibilité (SDA) et le manque de coordination des multiples acteurs qui interviennent dans la mise en accessibilité des services de transport : autorités organisatrices des transports, gestionnaires de voirie et d’infrastructure, et enfin exploitants.
Le constat est tiré d’une analyse quantitative et qualitative du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) portant sur 55 dossiers de SD’AP au cours de l’année 2016 et publié en mai 2017. Certes l’étude ne date pas d’aujourd’hui mais depuis la situation n’a pas évolué dans de notables proportions.
Instrument de politique publique, le Sd’AP (schéma directeur + agenda) est un document de programmation qui comprend une analyse des actions nécessaires à la mise en accessibilité du service public de transport, le calendrier de réalisation de ces actions ainsi que le plan de financement correspondant. Alors comment s’y prendre ?
« Associer les représentants de tous les types de handicap, sans oublier les personnes à déficience cognitive, psychique ou mentale et élargir la concertation à d’autres publics tels que les représentants de personnes âgées ou de parents d’élèves, est un vrai enjeu pour apporter une réponse adaptée à la diversité des usagers des transports en commun », assure le Cerema.
« PARIS 2024 ÉTAIT UNE CHANCE POUR LES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP. UNE CHANCE POUR L’ACCESSIBILITÉ DES TRANSPORTS EN COMMUN ET DES LIEUX PUBLICS »
Les Jeux Olympiques, vraiment accessibles ?
Événement majeur, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 devaient être inclusifs et exemplaires en matière d’accessibilité universelle. L’enjeu est de taille : 350 000 visiteurs en situation de handicap sont attendus pendant l’été 2024 en région parisienne pour la grande messe universelle du sport. « Mais le compte n’y est pas et la question se pose de savoir s’il faut parler de cette ambition au passé, alerte, dans une tribune publiée par le journal « Le Monde », Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap.
« Paris 2024 était une chance pour les personnes en situation de handicap. Une chance pour l’accessibilité des transports en commun et des lieux publics (…) ; ces JO constituent en effet une opportunité exceptionnelle de développement pour la France avec des impacts économiques, sociaux, sociétaux et territoriaux pour toutes et tous ». Mais voilà, déjà les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 courent après leur retard…
Les chiffres dans l'Hexagone
Aujourd’hui, dans l’ensemble de l’Hexagone, la situation est contrastée en terme d’accessibilité, notamment au niveau du transport ferroviaire porté par un schéma national qui regroupe les 160 plus grandes gares de France, classées prioritaires. Or, le dernier bilan à fin 2021 comptabilisait 78 gares accessibles, à la fois pour le bâtiment voyageur et pour la partie des quais.
La SNCF estime qu’à échéance 2025, à la fin des Ad’Ap, elle aura achevé les travaux de 135 gares sur 160. Elle projette qu’elle n’atteindra pas les 100 % escomptés avant 2029. Toutes régions confondues, y compris l’Ile-de-France, 70% des gares seront accessibles fin 2025 sur 570 gares régionales classées comme prioritaires.
C’est à la fois peu et beaucoup, à chacun son angle de vue. « En 7 ans, il y a une vraie ingénierie de l’accessibilité qui s’est développée au sein de la SNCF, de SNCF Réseau et de Gares et connexions en particulier », avançait pour sa part Carole Guechi, au cours d’un entretien publié par le portail de la gazette des communes en février dernier.
Cependant des villes ou métropoles ont pris les affaires en mains et fournissent depuis quelques années un réel effort pour favoriser l’inclusivité des PMR (personnes à mobilité réduite) sur leur périmètre, comme à Bordeaux, Nantes, Grenoble, Niort ou Rennes. Il s’agit tout d’abord de s’intéresser de manière pragmatique aux usages et en essayant de trouver des réponses adaptées aux besoins et attentes de tous. En voici deux exemples en régions, parmi d’autres.
Lyon, 1er prix des villes européennes les plus accessibles
Comme le rappelle lesechos.fr, depuis 2008, le Syndicat de transports de l’agglomération lyonnaise (Sytral) a engagé plus de 100 millions d’euros pour rendre l’intégralité du réseau accessible à tous. La majeure partie des équipements publics de la métropole et en particulier les transports publics permettent l’accès aux PMR. Les bus affichent un taux d’accessibilité aux PMR de 100% tandis que plus des trois quarts des carrefours de la ville sont équipés de dispositifs sonores afin de sécuriser la traversée des personnes mal-voyantes.
Les stations des quatre lignes de métro sont équipées d’ascenseurs sonorisés et de commandes en relief et en braille dans leur totalité. Le réseau dispose en outre de plus de 120 escaliers mécaniques et plus de 90 ascenseurs. Tous les quais sont équipés de dalles signalant par un relief la proximité de la voie. De surcroit ils sont dotés de dalles carrées de pré-repérage, permettant aux usagers de se placer face aux portes de la rame.
À l’intérieur, toutes les voitures disposent du fameux avertissement de la fermeture des portes par un signal sonore et par le clignotement d’un voyant lumineux. L’annonce par haut parleur des prochaines stations traversées et des correspondances renseigne les mal et non-voyants dans le métro comme dans le tramway.
Un budget annuel de 3 millions d’euros est consacré à ces travaux pour les futurs arrêts à configurer. Pour ce qui concerne les nouveaux bus, un haut-parleur extérieur se déclenche automatiquement par l’activation de la télécommande de traversée piétonne fournie par la Métropole aux personnes non-voyantes.
Fruit de ce dispositif, en 2017 Lyon a été récompensée par la Commission européenne du 1er prix des villes les plus accessibles devant Ljubljana (Slovénie) et la ville de Luxembourg.
Des acteurs diversifiés, une volonté commune pour plus d'accessibilité
Dans la ville voisine de Saint-Etienne, depuis 2021, la STAS inclut les acteurs du handicap dans sa démarche d’amélioration continue de l’accessibilité au sein du réseau de transports en commun. Cette nouvelle stratégie, dite « plus inclusive », a été mise en place afin de mieux appréhender les problématiques liées aux handicaps.
D’après la communication de l’opérateur de transport Transdev, un lien étroit est désormais tissé entre représentants des associations de personnes handicapées, instances métropolitaines et voyageurs porteurs de handicap. Ainsi, non-voyants, sourds, personnes à mobilité réduite partagent et collaborent avec les salariés du réseau.
Tous sont mus par une volonté commune : travailler ensemble sur des solutions de transport durables et efficaces. L’objectif de la démarche est simple : signaler efficacement tout ce qui peut perturber le bon fonctionnement d’un trajet.
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Un plan d’action collaboratif
En complément de ce nouveau système d’alerte, des visites du réseau sont menées chaque trimestre par des binômes composés d’un agent de la STAS et d’une personne handicapée. Des lignes spécifiques sont alors parcourues et tous les aspects du voyage accessible y sont analysés : audibilité des annonces sonores, lisibilité des affichages, fiabilité de la palette PMR mais aussi, hauteur ou présence des valideurs, comportement du personnel ou des autres voyageurs.
Des visites de réseau en binôme, des actions de prévention sur le vivre ensemble et la place du handicap au cours d’un voyage sont programmées toute cette année 2023 avec des agents de la STAS et les personnes handicapées volontaires. Filiale de Transdev, la Société de transport de l’agglomération stéphanoise est une entreprise de transport en commun, chargée de la desserte des 53 communes de Saint-Étienne Métropole.
Dans l’Hexagone, l’inclusion complète des personnes en situation de handicap est encore loin d’être une réalité. Pour lagazettedescommunes.com, les handicaps mentaux, cognitifs ou psychiques, beaucoup plus répandus que le handicap moteur avec fauteuil roulant, restent même « un angle mort de l’accessibilité ».
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