Faut-il avoir peur des méga-camions?

Faut-il avoir peur des méga-camions?

Le Parlement européen a adopté la directive de la Commission européenne qui autorise à la circulation des camions géants pouvant atteindre les 60 tonnes. La question de savoir s’il faut s’en plaindre dépend au fond de plusieurs facteurs, notamment de la manière dont ils sont utilisés, des réglementations en place et de la gestion de la sécurité routière autour de leur exploitation. Ils soulèvent cependant de nombreuses critiques.

25 mètres contre 18,75 mètres: les méga-camions sont plus longs que les camions classiques Crédit photo : BFMTV

Par 330 voix pour et 207 contre (74 abstentions), le Parlement européen a adopté la directive de la Commission européenne qui autorise la circulation dans l’Union de camions géants pouvant atteindre les 60 tonnes. En l’état, la circulation de ces camions reste encore suspendue à une ultime validation du Conseil européen. Un trilogue avec le Parlement et la Commission sera organisé après les élections européennes de juin 2024 pour finaliser le parcours législatif du texte et acter son éventuelle application.

Des géants de la route contestés

De quoi parle-t-on précisément à propos de méga-camions? Également appelés “gigaliners”, ou écocombis, ces véhicules peuvent mesurer jusqu’à 25 mètres de long et peser jusqu’à 60 tonnes, soit près de 16 tonnes de plus que les camions autorisés aujourd’hui (44 tonnes et 18,75 mètres maximum) partout en Europe et notamment en France.

Ces poids-lourds à rallonge sont composés d’un conteneur auquel s’ajoute une remorque, voire deux. Le but recherché est évidemment de pouvoir embarquer davantage de marchandises (entre 50 et 75% de fret supplémentaire), sans avoir à rajouter des camions sur les routes et ainsi d’économiser sur le coût de transport, celui du poste carburant et de réduire dans le même temps les émissions carbone. Il pourrait réaliser une réduction de 20 000 litres de carburant par an en exploitation longue distance — pour 10 000 kilomètres par mois environ — par rapport à un véhicule routier classique qui effectuerait le même kilométrage, ceci grâce au volume et à la charge supplémentaire qu’il est apte à transporter.

Pour autant, ces “gigaliners” cristallisent de nombreuses oppositions.

Le principal argument avancé est qu’en réalisant des économies, le transport de marchandises par la route deviendra encore plus concurrentiel contribuant ainsi à son développement. Cela peut avoir un impact environnemental négatif en termes d’émissions de gaz à effet de serre et de pollution de l’air. Les écologistes estiment en effet qu’ils ne vont pas dans le sens de réduire les émissions de CO2. “Les camions qui vont apparaître sur les routes seront des camions qui seront au diesel”, insiste la députée Européenne EELV Karima Delli, membre de la commission des Transports au Parlement européen. Il est vrai que les méga-camions ont tendance à consommer plus de carburant que les poids-lourds standards en raison de leur poids plus élevé.

Pour les entreprises de transport, l’utilisation de ces engins peut, certes, offrir des avantages économiques en termes de réduction des coûts de transport grâce à une capacité de charge accrue. À l’inverse, leur utilisation peut entraîner une concurrence défavorable pour les transporteurs exploitant des véhicules de taille plus modeste.

“CELA POURRAIT MENACER LE DÉVELOPPEMENT DU TRANSPORT COMBINÉ, QUI EST ÉVIDEMMENT LE MOYEN DE METTRE DES CAMIONS JUSQU’À 40 TONNES SUR DES WAGONS »

Les “gigaliners” sont fréquents dans des régions à grands espaces comme au Canada, aux États-Unis ou en Australie et roulent déjà dans quelques pays européens (Suède, Finlande, Pays-Bas, Allemagne…). mais le texte, s’il était adopté, pourrait bien sûr favoriser leur extension. Ce qui pose une autre question, cruciale, celle de la sécurité routière. Les méga-camions peuvent en effet poser des défis en raison de leur taille et de leur poids plus importants par rapport aux camions standard. Ils seront difficiles à doubler sur des routes, nécessiteront des distances de freinage plus longues et seront plus difficiles à manœuvrer, ce qui peut accroître les risques d’accidents, surtout sur les routes étroites ou sinueuses. Ce qui n’est pas le cas des routes des pays nordiques équipées de grandes lignes droites et où l’on recense beaucoup moins de ronds-points qu’en France, par exemple.

Autre argument : les opposants, notamment en France, pensent que ces véhicules seraient dangereux et pas adaptés à nos infrastructures car ces mastodontes useraient beaucoup plus vite les routes et les ponts par une pression accrue exercée sur l’infrastructure. Et donc cela peut nécessiter des investissements supplémentaires dans la mise en place et l’entretien des infrastructures routières pas forcément adaptées à ce genre d’engins.

Enfin, les détracteurs (sans mauvais jeu de mot !) estiment que c’est un message négatif envoyé à la communauté, quand on sait que le fret ferroviaire, ou le transport rail-route, est beaucoup moins polluant. “Cela pourrait menacer le développement du transport combiné, qui est évidemment le moyen de mettre des camions jusqu’à 40 tonnes sur des wagons, ça va avoir un impact très fort”, souligne Raphaël Doutrebente, alliance 4F Fret Ferroviaire Français du Futur. “Le rail est sept fois plus économe en énergie que la route”, ajoute Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe (SNCF), dénonçant aussi “les dangers significatifs des méga-camions pour piétons et cyclistes”. 

Ces craintes sont partagées par une majorité de Français, puisque selon un sondage de l’institut CSA, certes ancien, réalisé les 1er et 2 juillet 2009, 81 % d’entre eux sont défavorables à l’arrivée des méga-camions sur les routes, et 79 % sont inquiets quant aux conditions de sécurité de circulation.

La France exprime son opposition

Cette législation devra désormais être négociée entre les États membres. Le Conseil européen adoptera sa position en juin, et il reviendra ensuite à la prochaine assemblée parlementaire, élue après les élections de juin 2024, d’entamer des négociations pour finaliser le texte. Par la voix de son ministre des Transports, la France a d’ores et déjà “redit son refus d’une libéralisation de la circulation internationale des camions de 44 tonnes et des ‘mégatrucks’. Aujourd’hui la priorité est le report modal, en particulier vers le ferroviaire », a déclaré Patrice Vergriete. En 2010, l’OEET a rendu son rapport au secrétaire d’État aux Transports, estimant que l’intérêt de tels camions en France est nul du point de vue environnemental et qu’une autorisation serait un contre-signal aux engagements du Grenelle Environnement promouvant des transports alternatifs à la route.

Depuis 2013 en France, le poids des camions est limité à 44 tonnes (le transport de bois ronds peut aller jusqu’à 57 t), et leur taille à 18,75 mètres de long. Il existe néanmoins des exceptions pour les convois exceptionnels qui sont soumis à des conditions plus contraignantes.

En conclusion, plutôt que de ressentir une appréhension directe pour ces méga-camions, il est important de prendre en compte les divers aspects de cette problématique, dont la sécurité routière, l’impact environnemental et économique, et surtout de veiller à ce que leur utilisation soit réglementée de manière adéquate ce qui suppose de facto d’en minimiser les risques potentiels.

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Auteur

Didier Rougeyron

Didier ROUGEYRON

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