Pyrowave et le recyclage du plastique au cœur des ambitions de Michelin
La jeune pousse québécoise vient de franchir une étape importante pour aider Michelin à se rapprocher de son objectif de pneus entièrement conçus avec des matériaux recyclés. Sa technologie permettra également de progresser dans la lutte contre la pollution par les déchets plastiques et plus globalement contre les changements climatiques.
Mi-novembre 2022, Pyrowave a annoncé l'atteinte d'un jalon important pour l'avenir mondial du recyclage du plastique. Pour la première fois en effet, du monomère de styrène recyclé pur à 99,8 % produit par la technologie de la jeune entreprise, à partir de déchets de polystyrène, a réussi avec succès les tests de qualité du groupe Michelin.
Cela signifie que le monomère recyclé - qui entre dans la conception du caoutchouc synthétique- pourra être entièrement intégré dans un lot industriel d'élastomère. Pour Jocelyn Doucet, chef de la direction de Pyrowave, « il est clair qu’on en retrouvera un jour dans les pneus de Michelin ».
DÉSORMAIS, ON PEUT RÉPONDRE AUX ATTENTES DES CONSOMMATEURS QUI SOUHAITENT QUE LES PRODUITS SOIENT FAITS ENTIÈREMENT DE MATIÈRE RECYCLÉE
La société québécoise a d’ailleurs expédié un conteneur de 3 tonnes de styrène recyclé en provenance de son usine pilote située à Salaberry-de-Valleyfield (près de Montréal), vers une unité de Michelin en France. Après plusieurs années de tests, le spécialiste des pneumatiques pourra fabriquer des lots de produits industriels en caoutchouc SBR contenant du styrène recyclé de Pyrowave, pour l'équivalent de plus de 1 000 pneus du segment « tourisme ».
M. Doucet affirme que l'industrie rêve d'une économie circulaire avec contenu recyclé et « Pyrowave démontre que sa technologie rend cela possible. Avec cet accomplissement, on prouve hors de tout doute qu'on peut avoir une chaîne de contrôle 100 % traçable dans le recyclage du polystyrène. Désormais, on peut (…) répondre aux attentes des consommateurs qui souhaitent que les produits soient faits entièrement de matière recyclée, sans dilution ou dégradation de la matière. »
Pour ce partenariat majeur, Michelin a été présent à toutes les étapes des tests en usine chez Pyrowave et ce nouveau jalon contribuera à l'atteinte de ses objectifs environnementaux. Rappelons que les produits du géant français contiendront 40 % de matériaux durables en 2030 et cette proportion doit passer à 100 % d’ici 2050.
Zoom sur la technologie Pyrowave
Pyrowave a électrifié son procédé chimique pour recycler des déchets plastiques (par exemple des pots individuels de yaourt) grâce à des micro-ondes générées dans un réacteur. L’opération permet de ramener les déchets de polystyrène à leur forme initiale, les monomères de styrène. Cette matière première de haute valeur - identique à la matière vierge mais 45 % plus faible en carbone- peut ensuite être réutilisée dans la production d'objets faits de matières recyclées et identiques aux applications qui utilisent des matières vierges. Cette approche ouvre ainsi une solution d'économie circulaire pour relever le défi mondial du recyclage des plastiques et pour obtenir notamment du caoutchouc synthétique.
Le dirigeant de Pyrowave ajoute que le recyclage chimique permet de s’attaquer à un autre problème, celui de la pollution. Par exemple, au Canada, relève le site lapresse.ca, plus de trois millions de tonnes de déchets plastiques sont jetées annuellement, selon l’agence Statistique Canada et seulement 9 % sont recyclés.
Autre préoccupation des industriels, l’impact du process sur l’environnement, car produire du monomère de styrène est une opération très énergivore. « Avec le projet Michelin, on émet 45 % moins d’émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à la production d’un kilo de monomère vierge, précise M. Doucet. On consomme moins d’énergie. »
Le directeur du développement des matériaux durables chez Michelin, Christophe Durand, estime que Pyrowave propose une « technologie unique » qui a « un temps d’avance ». Elle « contribuera à l'atteinte de notre objectif d'un pneu tout durable en 2050, qui intégrera 100% de matériaux recyclés ou biosourcés renouvelables tout en participant à notre feuille de route sur la neutralité carbone. On ne rattrape pas demain, on vise après-demain », souligne-t-il.
Fondée en 2014, l’entreprise canadienne d’une quarantaine d’employés collabore depuis plus de deux ans avec le géant français qui figure parmi ses actionnaires après avoir injecté plus de 20 millions d’euros en 2020 et délègue 50 employés à temps plein pour intégrer le projet. La jeune pousse québécoise a démontré qu’elle pouvait industrialiser son procédé, Michelin se chargera des applications sur ses sites dans l’Hexagone. « Ce qu’on a réussi avec Michelin, c’est ce dont tout le monde rêve, mais qu’il est difficile de réaliser », se félicite M. Doucet.
Au delà de la fabrication des pneus
Les deux partenaires voient même plus loin que la seule fabrication des pneumatiques. Lorsque le procédé sera industrialisé, ils ambitionnent de le commercialiser en proposant une solution « clés en main » à d’autres clients potentiels établis en Asie et en Europe. Les secteurs du transport, des emballages et de la construction figurent parmi ceux qui pourraient s’intéresser à la solution de Pyrowave, selon l’entreprise.
Réduire, réutiliser, recycler, renouveler sont les 4 piliers de la stratégie de Michelin pour un avenir plus durable. Ces principes sont appliqués ensemble dans le cadre d’un autre projet de grande envergure, « BlackCycle », une initiative financée par l’Europe qui collecte des pneus en fin de vie pour créer des matières premières secondaires et permettre une économie circulaire massive des pneus.
Il faut noter que chaque année 1,6 milliard de nouveaux pneus sont vendus dans le monde, ce qui représente plus de 26 millions de tonnes. La même quantité entre chaque année dans la catégorie des pneus usagés, offrant un grand potentiel de valorisation de matière, qui n’est que partiellement exploité. Les procédés actuels de traitement des pneus usagés ne sont pas circulaires et ne produisent peu de matière première réutilisable dans l’industrie du pneumatique.
Coordonné par Michelin, le projet repose sur la collaboration de 7 partenaires et 5 organismes de recherche et de technologie, chacun apportant une compétence clé à la table. Grâce à BlackCycle, il est prévu qu’un pneu hors d’usage sur deux sera intégré dans cette nouvelle chaîne de valeur circulaire. La relocalisation de la gestion des pneus usagés et de leur transformation au sein de l’UE devrait créer des emplois durables dans l’Union européenne.